PHOTOS


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 Sans titre, 2002
Supports et dimensions variables
Photo: Bule
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 Ces images n'ont pas de supports ni de formats prédéfinis. Elles existent sous différentes formes: cartes postales, affiches, imprimées dans des catalogues, revues, journaux ou livres, là où se pose le problème juridique de la diffusion de l'image.
 
 
Au rez-de-chaussée un diaporama présentait des paysages urbains qui interpellaient aussi bien le promeneur lambda, que le photographe professionnel, ou l’observateur des paradoxes. Le premier déambule dans les lieux publics investis par des artistes ou architectes célèbres. Le deuxième caresse l’idée de faire des cartes postales. Le troisième édite les cartes postales. Le tout réuni donne jour à une série de cartes postales où l’artiste aura représenté à sa façon les grands bâtiments contemporains : Bibliothèque de France, Arche de la Défense, Place des Terreaux lyonnaise avec une fontaine de Buren ... La loi latine protège les auteurs et donne la possibilité aux architectes ou aux artistes de l’espace public repérés par Boccanfuso d’exiger une rétribution pour toute diffusion massive d’images de leur œuvre. L’artiste répond à l’artiste en respectant sa volonté. On ne verra pas les réalisations prestigieuses, mais le paysage alentour, l’œuvre bâtie étant pixellisée à la manière des documentaires télévisuels qui protègent l’anonymat des témoins. Ainsi, les bâtiments publics (Opéra de Lyon de Jean Nouvel, Bibliothèque de France de Dominique Perrault), camouflés dans l’image deviennent virtuels. Par cet iconoclame audacieux, R. Boccanfuso pose beaucoup de questions intéressantes. Le fait pour un artiste d’interdire la diffusion de l’image de son œuvre procède du désir de donner à cette œuvre un statut d’autonomie par rapport aux autres bâtiments de l’espace public. Ce statut s’apparente à celui des personnes qui jouissent d’un droit à l’imagelequel droit les protège de toute reproduction sauvage attestant de leur présence dans ce lieu (règle de protection de la vie privée). Mais les œuvres non photographiables jettent le même interdit sur leur environnement, les immeubles et espaces publics proches étant de la même façon escamotés, exclus, par ce protectionnisme. R. Boccanfuso réhabilite cet environnement en lui rendant sa dignité de représentation. De plus la trame de pixel dont il recouvre les édifices interdits d’image déplace la lecture esthétique que nous faisons de ce paysage. Cet effet pixel utilisé à la télévision pour masquer certaines parties, en général des personnes dont on protège l’anonymat, est une convention qui souvent renforce la véracité de propos dont la source doit rester cachée pour mettre en lumière des révélations très graves relevant de l’injustice, du scandale, et qui mettraient en danger le témoin. Pixellisation par ailleurs source de fantasme où la négation de la personne n’est pas vécue comme un acte révisionniste mais plutôt comme un gage de vérité. D’artiste à artiste, R. Boccanfuso aurait sans doute pu obtenir les autorisations. Il faut donc en conclure que son intention n’a jamais été de photographier ces édifices illustres mais de les mettre en tension par rapport aux notions d’espace et de paysage publics. Et de renvoyer à une prise de conscience citoyenne.

Anne-Marie Morice (extrait de "Les Démonstrations absolues de Raphaël Boccanfuso", 2002)
 

© Raphaël Boccanfuso 2009