TEXTES DIVERS


L'art de l'autoportrait est difficile. Raphaël Boccanfuso le sait. Il a mesuré le risque et en connait l'enjeu. L'auto-référence nécessaire en pareil cas n'est pas seulement question d'image de soi, mais surtout d'identité, de face. Comment éviter de se livrer à un simple exercice de style, à un simple jeu formel où ne se reflète que de la sublimation ; comment arriver à la production d'un double non narcissique qui ne fasse pas que répondre aux attentes événementielles du marché de l'art et du déjà-vu ? L'artiste répond à la question d'un façon très Do It Yourself : il photocopie sa propre tête. Copie conforme qui se double d'une perturbation sourde, d'un jeu avec la mise en abîme même. Les images brutes jouent de l'effet de grain, de la noirceur des pages sorties des photocopieuses. Machines mises à la disposition des usagers de bibliothèques publiques parisiennes dont l'auteur a détourné l'usage. Pour mieux jouer de ce fameux narcissisme que l'on prête aux artistes (et qu'ils ne rendent pas toujours) : où est ma place, comment me situer ? Comment laisser une place dans l'histoire ? Ici la réponse est simple. Boccanfuso se place en fin de chaîne : il utilise le code de la Classification Décimale Universelle (chère aux bibliothécaires), colle sur son front une étiquette avec la côte 7.041.5-052 BOC. Le visage de l'artiste se cadre – dans sa mise en scène photocopiée – à la place du livre à venir, entre des ouvrages sur Beuys et Boccioni par exemple (l’ordre alphabétique toujours) ; il est ainsi lui-même part vivante de l'œuvre qui devient un livre, longtemps avant que l'objet final puisse enfin se ranger dans le rayonnage. Ce livre que bientôt vous tiendrez dans vos mains et qui sera son autoportrait.   DV
 
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© Raphaël Boccanfuso 2009